Escapade sauvage en Hongrie
Je devais initialement aller à Budapest chez Pali et Márti, des amis d'amis, mais ils ont déménagé pour vivre en hippies dans le sud-ouest du pays. Voilà donc une bonne occasion de quitter un peu l'Eurovélo6 et de découvrir la Hongrie un peu plus en profondeur.
À partir de Györ, j'oblique vers le sud, traçant ma propre route. Là, le dépaysement commence, je prend conscience que je commence à être loin de la maison.
Le Magyarorszàg n'est pas un pays riche, loin de là. La monnaie en est le florint (1 € = 280 Ft). Dans l'ouest que j'ai arpenté, j'ai bien ressenti le passé communiste, les gros écarts entre la minorité aisée et la majorité qui l'est beaucoup moins. Aux alentours de Györ, les routes secondaires sont défoncées, c'est un zigzag permanent entre les nids de poule. Les villages se ressemblent tous, étirés le long d'une rue principale, bordée d'un fossé, d'une bande d'herbe jaunie où poussent quelques arbres, un chemin piéton longeant des rangées de petites maisons bâties sur le même modèle. Deux églises, un nid de cigogne garni de cigogneaux juché sur un pylône, des pompes à eau bleues disposées régulièrement, un manque d'entretien flagrant, des Traban, des Lada. Très soviétique. Au moins une épicerie, la Coop (et ouais, wie im Elsass!), et surtout, des minuscules bistrots. Ça peut paraître morne dit comme ça, mais ça a un charme désuet que j'adore.
Et c'est pratique pour l'homo cyclorandonnus : il fait toujours un soleil de plomb et plus de 40, mais je ne suis jamais à court d'eau fraîche ; pour le ravitaillement, je suis sûr de trouver un Coop tous les 5km, devant lequel je peux laisser mon vélo sans soucis. Un cyclo Magyar anglophone m'a expliqué qu'ici, les gens ont l'air peu avenants, mais c'est parce qu'ils sont timides. C'est vrai.
Pédalant vaille que vaille sous les rayons ardents du soleil, je passe à proximité du lac Balaton, dans une chouette région viticole et thermale, le relief s'accentue, les champs de blé, maïs et tournesols laissent plus de place aux forêts et me voilà proche de la Croatie, dans le village où je suis attendu.
Il est 21h, je ne connais pas l'adresse de mes hôtes, le hongrois est une langue incompréhensible et les rares personnes rencontrées n'entravent rien à mes explications. Donc je campe et reviens le lendemain muni d'un petit dessin explicatif. Là, c'est pas la même chose. Depuis la terrasse du bistrot, on m'appelle à grands cris : c'est Attila et ses copains. Le petit dessin est efficace, on me paie une bière, puis une autre (pfiuu il est 10h, dur ...), on s'esclaffe d'incrédulité et d'admiration quand j'explique mon voyage, et je me retrouve à suivre une Simson (ici toutes les mobs sont des Simson ; d'ailleurs en France on dit Mobylette, en Hongrie on doit dire Simson), et enfin je débarque chez Pali, Màrti et Tarjànka le p'tit matou.
Sans les avoir jamais rencontrés, ils deviennent tout de suite des potes.L’accueil est royal dans cette vieille baraque au confort plus que sommaire, en pleine rénovation. Pas encore de toilettes mais internet, un grand jardin ombragé, Pali, fervent admirateur de la Grande Triple Alliance Internationale de l'Est et de Dee Dee Ramone, aime par dessus tout écouter des vieilles cassettes sur un vieux poste qui en mange une de temps en temps, Màrti prépare du Paprika's Krumli dans le Bocracs suspendu au-dessus du feu, on boit des dizaines bières fraiches (des grandes bouteilles en plastique d'1,5l, une pils pas dégueu du tout), c'est juste parfait !
Attila débarque à cheval et nous fait tous monter. J'ai chevauché la jument d'Attila, la classe, quoi!
A 17h, je m'endors pour me réveiller 14 heures plus tard. Toutes bonnes choses ayant une fin, dimanche matin je reprend la route. Merci Pali, merci Márti, je n'oublierai jamais votre hospitalité. Je suis arrivé chez des inconnus, j'ai quitté de véritables amis.
Ma route vers Budapest me fait longer le Balaton, lac qui quoique touristique reste bien convivial. Les gens ont pied jusqu'à 100m de la rive, l'eau est à plus de 30 degrés, c'est plutôt pas mal sympa.
Le lendemain (mardi 10), alors que, venant de démarrer je roulais sur un bon chemin de halage désert et rectiligne, concentré sur le bidouillage de mon GPS, PAF !!! Crac boum Hu!!! Un potelet à la con en plein milieu, je l'ai pas raté et j'effectue avec élégance une jolie cascade. Un sale connard m'a vû tomber et ne s'est même pas arrêté ... Toi, si je te vois crever au bord du chemin je te pisse dessus et te crache à la gueule en riant... Bref, attache de sacoche avant gauche éclatée (mais facilement réparée), main gauche douloureuse et enflée. Je peux toujours l'utiliser et tenir mon guidon, mais lors d'une visite à la pharmacie, on me dit que je dois avoir un métacarpe fêlé ... Pommade + calcium. Ça guérit bien, mais je suis vraiment un blaireau, à me blesser d'une manière aussi stupide. Maintenant je regarde un peu plus la route ...
A l'approche de Budapest, ça commence a sentir plus le capitalisme et la thune que le communisme et la misère. J'ai l'impression d'être revenu en Europe de l'ouest. Retrouvailles avec mon vieux copain le Danube, avec les petits panneaux étoilés de l'EV6 ... La dernière nuit de camping avant la capitale m'a réservé un accueil assez fracassant, un bon gros orage, festival d’éclairs et un vent assez démentiel. J'ai bien emballé toutes les affaires, m'attendant à chaque instant que la tente se déchire. Mais non, la brave petite a vaillamment résisté. Pourvu que ça dure. L'arrivée à Budapest fût plutôt pénible, la ville étant bordée au sud de moulte zones industrielles et commerciales, mais il y a des pistes cyclables. Heureusement. Ça m'a quand même pris 2 heures pour traverser tout ce foutoir. Et d'un coup, quasiment sans transition, me voilà au centre-ville. Magnifique. A voir absolument. Mais ceci fera l'objet d'un autre article.
Mon compteur affiche désormais 3077 km et 199h en selle.
Constatations :
1- Le totomobiliste Magyar roule comme un Français : s'il y a de la place, il fait un bel écart, si pas de place, serre les fesses !
2- Regarder la route plutôt que le GPS évite des accidents débiles.
3- J'aime bien les Hongrois et leur langue zarbi. Dommage qu'ils soient si nombreux à voter Hitler.
4- Les gitans d'ici font aussi le trafic de feraille. Mais dans des carrioles tirées par des poneys.
5- Le Hongrois typique n'est pas du genre petit énervé à Rolex, mais plutôt solide gaillard doté de superbes abdos Kronenbourg (ou Gösser, ou Soproni, ou Közer ...)
6- Il y a ici des petites mouches noires et jaunes méchantes et nerveuses. Je les ai baptisées Muscari Sarkozy. J'ai l'âme d'un entomologiste.
7- A la campagne, les seuls métiers semblant exister sont : paysan, caissière de Coop, patron de troquet et pilier de bar.